Fédération Francaise de Naturisme Conseil régional Auvergne - La Serre de Portelas 63450 Saint Saturnin.

Le journal "LIBERATION" visite La Serre de PORTELAS le 18/09/2023 à 09h37

 Reportage

En Auvergne, le camping naturiste pionnier fête ses 60 ans d’existence

Dans le Puy-de-Dôme, à 800 mètres d’altitude, le camping naturiste la Serre de Portelas offre un panorama exceptionnel sur la vallée de la Monne, le Forez, le Livradois et les monts du Sancy. Cette année, il célèbre ses 60 ans d’existence et c’est encore une association loi 1901. Quelques familles en sont à la quatrième génération qui vient prendre ses quartiers d’été ici.

Le camping naturiste la Serre de Portelas (CSC 63)

par Sonia Reyne, correspondante à Clermont-Ferrand

publié le 16 août 2023 à 21h10

 

 

«En 1963, nous sommes quelques-uns à avoir chassé le dernier dinosaure qui se trouvait encore sur le plateau pour nous installer», plaisante Michel, 82 ans, ex-agent SNCF. Il est l’un des pionniers qui ont créé la Serre de Portelas, unique camping naturiste du Puy-de-Dôme. «Nous étions 16 au départ, surtout des couples et des familles.» Cette année-là, un groupe de naturistes clermontois de retour du Cap d’Agde loue ici, à 800 mètres d’altitude, un bout de terrain aux paysans du coin pour pouvoir vivre nus dans la nature, tranquillement. «Très rapidement ils se sont structurés en association Club du soleil», précise Bernard, agent CPAM, président de l’association. La philosophie des fondateurs est limpide : vivre en harmonie avec la nature, dans le respect de soi-même et des autres. En feuilletant l’album de famille du camping des «culs nus du plateau de la Serre», comme les surnommaient les habitants alentour, la vie d’un groupe d’amis se déroule au fil des pages.

Récup et huile de coude

Autre pionnière du camp, Huguette, 96 ans, fréquente encore le camping, ses enfants, ses petits-enfants et son arrière-petite-fille aussi. L’aventure continue. La veille, un couple de trentenaires a célébré ses fiançailles en compagnie d’amis en sabrant le champagne, discrètement puisque l’alcool, comme le maillot de bain, est interdit (à la vente) dans le camping. Ils s’étaient arrêtés pour quatre jours, ils sont restés trois semaines. Veuve, Nicole, 90 ans, dont l’époux travaillait chez Michelin, se souvient : «Pendant que je le fréquentais, Yves ne m’a jamais rien dit parce qu’il ne devait pas trop savoir comment me l’annoncer, alors que j’avais fait beaucoup de camps de jeunesse, j’allais camper et tout. On s’est mariés en mars, et tout de suite après, il m’explique qu’il ferait bien du naturisme. Au mois de mai, nous avons essayé trois jours sur un petit terrain qui n’existe plus, vers Gisors. C’était super, nous avons été reçus à bras ouverts. Et voilà, j’ai chopé le virus et au mois de juillet on est partis pour les vacances à Montalivet [le plus grand et plus ancien centre naturiste d’Europe, ndlr]». Nicole est l’un des piliers du club, comme Michel, Marc, Laurent, Jane…


 


 

La première installation de loisir a été le terrain de volley «parce qu’il fallait bien s’occuper un peu. Il n’y avait ni l’eau ni l’électricité, rien. Il y avait des rochers sur le terrain, de gros tas de pierres. Nous avons dû défricher, débroussailler à mort», se souvient Nicole. Et pour clôturer le terrain, «nous allions récupérer des piquets dans des vignes abandonnées, raconte Michel. Lorsqu’on faisait la clôture, on mettait un bon piquet qu’on avait acheté, le deuxième était récupéré sur la vigne, le troisième c’était un bon et comme ça, on a fait des économies.» A part la piscine en 1998 et la station d’épuration peu de temps après, tous les équipements du camping ont été construits en utilisant des matériaux de récup, et de l’huile de coude, à l’aide de barre à mine, de pioche et parfois même de dynamite.

Giscard anti-poteaux électriques

La première douche fut un bidon de 200 litres que chacun devait remplir en apportant de l’eau. Le président se souvient : «L’un des fondateurs venait avec une mobylette et une remorque. La mère et les trois enfants montaient en car jusqu’à Theix et finissaient d’arriver à pied sur 5 kilomètres. Lorsque le papa avait fini de décharger la remorque, il repartait chercher un des gamins sur la route, il fallait vraiment en vouloir.» Grand luxe, l’eau arrive en 1971, de chez un voisin jusqu’à une citerne. L’électricité arrive en 1995. «Ça a posé beaucoup de problèmes parce que c’était sous Giscard d’Estaing, il était encore à Chanonat, se souvient Nicole. Nous avions eu le téléphone très facilement, en 1975. On s’était dit : pour l’électricité ce sera pareil. Giscard a décrété qu’il avait passé son enfance sur le plateau de la Serre et qu’il ne voulait pas de poteaux électriques qui le défigurent. C’est très bien de notre point de vue d’aujourd’hui, mais à l’époque, nous avons dû revoir tous nos projets en souterrain. Ça doublait carrément le budget que nous avions prévu. Nous avons demandé des subventions à droite et à gauche et puis finalement ça s’est fait au bout d’un certain nombre d’années.»

Il y a dix ans, à la fin du remembrement, l’association est devenue propriétaire des 15 hectares dont 6 sont aménagés. Le reste de la surface se compose d’une petite falaise qui surplombe le terrain de tir à l’arc et d’une petite forêt qui longe la route et les limites du terrain. Les adhérents ont d’année en année acheté les parcelles et les ont cédées à l’association. Contre une cotisation annuelle de 140 euros, après que leur candidature a été acceptée par le conseil d’administration, les 220 adhérents peuvent fréquenter le camping toute l’année. De novembre à mars, l’eau est coupée sur le terrain pour éviter que les canalisations ne gèlent.


 


 

Légumes, yoga et baby-foot

Aujourd’hui, les 175 emplacements du domaine s’organisent autour de la piscine chauffée, de terrains de tennis, de volley-ball et de pétanque. Le policier retraité assure l’initiation au tir à l’arc. Les anciens ou nouveaux membres du Club du Soleil mettent à contribution leur savoir-faire et leur temps libre pour entretenir et gérer bénévolement le camping. Une adhérente cultive légumes et herbes aromatiques à côté de la tisanerie. Des ateliers yoga, shiatsu ou qi gong et une bibliothèque rythment la vie sociale. La buvette voit se jouer des parties endiablées de baby-foot et les aires de jeux et la pataugeoire jouissent d’une vue exceptionnelle sur le paysage. «C’est le paradis pour les enfants et nous sommes très vigilants. Tout le monde garde un œil sur leur sécurité. Nous avons déjà raccompagné à la porte du camping des adultes pour lesquels nous avions un soupçon de voyeurisme. Je préfère mettre quelqu’un dehors à tort plutôt que de prendre un risque pour les familles», assume Marc, délégué régional fédération naturisme.

Pour célébrer les 60 ans du camping, 170 des 220 adhérents se sont retrouvés pour un méchoui et inaugurer une table d’orientation en lave émaillée. Aux yeux de Michel et des autres fondateurs, elle a une valeur symbolique forte. «Elle constitue une invitation à l’observation, souligne Bernard. Elle donne à lire un paysage magnifique et permet de mieux le comprendre. Cette observation nous rappelle que nous devons préserver cet héritage que nous avons reçu de femmes et d’hommes de bonne volonté qui ont œuvré sans compter pour que les générations suivantes puissent en profit

[Retour]